Le maire Stéphane Maher lors de l'assemblée du conseil municipal de Saint-Jérôme le 20 novembre 2018.

Le maire Stéphane Maher lors de l'assemblée du conseil municipal de Saint-Jérôme le 20 novembre 2018.

Le maire de Saint-Jérôme ignore le protocole en voulant reconduire le mandat de Gilles Robert

Charles Michaud

Le maire de Saint-Jérôme a ignoré la requête d’une conseillère municipale de prendre un mois pour réfléchir à la possibilité d’avoir une rotation au poste de maire suppléant, occupé par Gilles Robert depuis l’élection de Stéphane Maher en 2013.

La proposition visait à nommer Gilles Robert maire suppléant pour 12 mois à compter du 1er décembre était à l’ordre du jour de la séance du conseil du mardi 20 novembre. Une résolution qui a été officiellement proposée par le conseiller François Poirier.

Un amendement proposé par Nathalie Lasalle en faveur de la parité

Comme il est habituel pour les propositions d’être acceptées unanimement, la conseillère Nathalie Lasalle a dû interrompre le maire pour formuler un amendement à la proposition.

La conseillère, qui siège comme indépendante depuis maintenant huit mois, proposait plutôt que le mandat de Robert ne soit prolongé que d’un seul mois, et que le conseil s’entende par la suite sur la désignation d’une femme pour occuper la fonction.

Alors que l’usage veut qu’un président d’assemblée dispose d’une proposition d’amendement avant la proposition principale, Maher n’a pas voulu considérer l’amendement de Mme Lasalle. Visiblement contrarié et ignorant la procédure, il s’est contenté de la « remercier » pour son commentaire, sur un ton qui ne sonnait pas comme de la reconnaissance.

Le conseiller municipal Gilles Robert lors de l'assemblée du 20 novembre 2018.
Le conseiller municipal Gilles Robert lors de l’assemblée du 20 novembre 2018.

Il est clair que Maher ne veut rien entendre de nommer un maire suppléant autre que Gilles Robert. Il est aussi très probable, pour ne pas dire certain, que l’équipe du maire aurait rejeté l’amendement de la conseillère Lasalle s’il avait été soumis aux voix.

Mais son refus de soumettre l’amendement aux voix en a surpris plusieurs.

Une entorse au règlement?

La façon de procéder du maire a semé la confusion dans la salle alors que plusieurs personnes se demandaient bien en bout de ligne ce que le conseil venait de décider. Une question bien légitime, puisque Maher s’est clairement écarté du règlement.

Le règlement du conseil de Saint-Jérôme, comme à peu près tous les codes de procédure, contraint le président d’assemblée à disposer de tout projet d’amendement avant de procéder à l’adoption de la proposition principale. Il existe même des cas où un président d’assemblée peut juger un amendement non-recevable, dans lequel cas il est d’usage que le président justifie sa décision, quitte à ce qu’elle soit contestée plus tard.

Empressé de procéder et visiblement contrarié par la suggestion de Mme Lasalle, le maire est simplement passé au point suivant.

Puisqu’aucun vote n’a été demandé sur l’amendement de la conseillère Lasalle, l’amendement, si on se fie au règlement, a été adopté. Le conseil en entier, probablement sans s’en rendre compte, aurait résolu que Gilles Robert ne sera maire suppléant que pour un seul mois le temps que le conseil choisisse une femme et, dans l’esprit que le souhaitait Nathalie Lasalle, développe une formule égalitaire hommes-femmes.

Évidemment, il est facile de deviner que ce n’est pas ce que voulait le maire, ni les dix autres conseillers élus sous sa bannière en 2017. Comme il est tout aussi facile de deviner que les conseillers, tout aussi empressés que lui de passer au point suivant, ont oublié le règlement. 

D’ailleurs, la version préliminaire du procès-verbal affirme que la résolution a été adoptée et que l’amendement de la conseillère Nathalie Lasalle n’a pas été considéré.

Un procès-verbal très attendu

Le procès-verbal de la rencontre, quand il sera officialisé, ouvrira la porte à une contestation de la façon de procéder du maire. Les procès-verbaux des assemblées du conseil sont des documents publics qui sont disponibles ici.

Pourquoi toujours Gilles Robert?

Au-delà de l’incident de la résolution du 20 novembre, la question de fond sur le statut permanent de maire suppléant de Gilles Robert demeure. Il est à noter que dans la langage familier, on dit parfois « pro-maire » au lieu d’utiliser le terme officiel maire suppléant. Les deux sont synonymes.

Outre le fait d’invoquer son expérience de député (Gilles Robert a représenté la circonscription provincial de Prévost de 2008 à 2012), Stéphane Maher n’a jamais donné davantage de raisons pour lesquelles il faisait de Gilles Robert son choix permanent pour lui suppléer. L’explication semble effectivement mince. Des centaines de maires suppléants au Québec n’ont jamais eu d’expérience comme députés. Des centaines de maires sont élus sans expérience de député, ni même d’élu, incluant évidemment M. Maher.

Dans beaucoup de municipalités, ce rôle est partagé entre plusieurs conseillers, et, dans la plupart des cas, à tour de rôle.

« Le maire décide qui va être pro-maire, tout simplement… »

Stéphane Maher en a toujours fait une question de confiance. Lors d’un caucus de ses conseillers en 2015, devant l’insatisfaction exprimée par quelques conseillers, il en avait fait une question de confiance, avertissant son équipe qu’un vote contre le choix de Gilles Robert serait un vote de non-confiance envers lui, le maire.

Les conseillers récalcitrants avaient alors choisi de ne pas briser l’unité de l’équipe et avaient accepté son choix.

Mais le soir de l’assemblée du 20 novembre, Maher semble avoir oublié non seulement les règles de procédure du conseil mais aussi la Loi des cités et villes. À un citoyen désireux de comprendre ce qui venait de se passer, pour toute explication, Maher a dit « le maire décide qui va être pro-maire, tout simplement ». Or ce n’est pas du tout ce que dit la loi.

L’article 56 de la loi spécifie clairement que le choix du maire suppléant est décidé par le conseil, et non par le maire.

Les citoyens en droit de se poser des questions

Plusieurs citoyens se posent la question. Pourquoi Gilles Robert est-il systématiquement le maire suppléant? Pourquoi le parti de Stéphane Maher, qui s’est félicité d’avoir une parité hommes-femmes au conseil, n’a-t-il pas agi déjà pour choisir une première femme mairesse suppléante? Maher croit-il qu’il n’a pas d’autres conseillers capables de jouer ce rôle?

Quant à Gilles Robert, il serait intéressant de connaître son opinion. Croit-il que la parité hommes-femmes, un des thèmes de son parti aux élections de 2017, devrait aussi s’appliquer au poste de maire suppléant? Croit-il qu’il y a d’autres de ses collègues à la table du conseil qui seraient capables d’exercer la fonction de maire suppléant? Serait-il prêt à quitter ce poste pour favoriser la rotation entre ses collègues et, partant de là, la parité entre les hommes et les femmes membres du conseil?

TopoLocal a adressé ces questions à Stéphane Maher et Gilles Robert au nom de nos lecteurs. Nous n’avons pas encore reçu de réponse.

 « La parité de Maher est une manoeuvre » dit Nathalie Lasalle

Dans une déclaration écrite, Nathalie Lasalle explique pourquoi elle aborde enfin cette question.

La conseillère Nathalie Lasalle lors de l’annonce de son départ de l’équipe Maher, le 8 mars 2018.

« Les événements des dernières années m’ont amené à réagir et à proposer cet amendement. Le maire Stéphane Maher a expulsé deux conseillers hommes en 2017, et ce, par des manœuvres électorales douteuses. Il avait agi ainsi avec l’aide de Messieurs Robert et Beaulieu, sous le prétexte d’avoir la parité hommes-femmes au conseil de ville. »

« Puisque le maire s’attribue cette belle valeur, pourquoi toujours faire élire le même homme à la pro-mairie depuis 5 ans au lieu d’une femme et, ainsi, établir la parité dans la direction de la ville? »

« Pourquoi Gilles Robert ne cède-t-il pas, lui-même, son poste de pro-maire au profit d’une femme? »

« J’en déduis que la parité en 2017 se voulait simplement une manœuvre électorale, surtout que l’on avait même poussé l’audace jusqu’à choisir un homme, Érik Bak dans le quartier #4. »

Un parti dominé par une « clique »

« Je pense qu’il est temps de mettre en lumière ce qui se passe dans ce parti. La pro-mairie de Gilles Robert est à la base des conflits internes de Vision St-Jérôme. Le tout a commencé en novembre 2015, où plusieurs conseillers ont demandé de faire la rotation à ce poste, ainsi qu’à l’exécutif, puisque Gilles Robert et Benoît Beaulieu étaient toujours titulaires de ces postes, contrairement à ce qui se passe partout ailleurs au Québec. »

« M. Robert savait très bien que Marc Bourcier, conseiller municipal à l’époque, voulait plus d’éthique et de justice au sein du parti du maire et un conflit a éclaté à ce sujet. »

Dans les faits, Marc Bourcier a déposé une plainte interne au sein du parti du maire, Vision Saint-Jérôme, à l’endroit de son collègue Gilles Robert.

Nathalie Lasalle ajoute: « Le maire a alors décidé de se braquer contre Marc Bourcier et les membres du caucus qui l’avaient supporté. Il en a même fait un vote de confiance à son endroit, lors du vote à la pro-mairie de la séance de novembre 2015, reportant Gilles Robert comme pro-maire. »

« À partir de ce moment-là, l’esprit d’équipe s’est vite transformé en esprit de clique. Par la suite, les constantes attaques du maire envers Marc Bourcier, lors de la campagne 2016 et lorsqu’il est devenu député, ont fusé de toutes parts au sein du caucus. »

« Il n’est donc pas surprenant qu’une manœuvre électorale douteuse ait surgi en octobre 2017 pour sortir deux des conseillers, amis du député, qui demandaient toujours une juste rotation de tous les conseillers/conseillères au poste de pro-maire. Je vous rappelle que cette manœuvre d’expulsion est toujours sous enquête par Élections Québec en ce moment », de conclure la conseillère.

Le maire suppléant

Le maire suppléant, selon l’article 56 de la Loi des cités et villes, remplit les fonctions du maire quand celui-ci est absent du territoire de la municipalité ou empêché d’exercer ses fonctions.

Outre certaines fonctions d’exception liées aux urgences, la fonction de pro-maire en est essentiellement une de représentation. À ce titre, Gilles Robert touche son salaire de conseiller, plus une prime à titre de mandataire d’une commission, plus une prime supplémentaire à titre de maire suppléant.

À la suite d’une augmentation du traitement réservé aux élus municipaux votée en 2018, Gilles Robert touchera un peu plus de 57 000$ pour ces fonctions. C’est 17% de plus qu’en 2017.

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